« Ce département est peut-être celui qui offre les plus tristes effets de la destruction des bois, et contre lequel viennent s’évanouir les fatales assurances données, que l’intérêt privé suffit pour la conservation des bois ; le centre très-montueux, ou mamelonné, est entièrement dégarni de bois et même d’arbres ; il ne possède plus que des bois taillis à ses extrémités ; il n’y a plus de futaie, même dans la Puisaye, qui en était si riche autrefois. Cependant les vignobles de l’Yonne sont immenses, et le mode de leur culture exige une grande consommation de bois pour les échalas et pour les tonneaux.
Dans la partie du sud, les sécheresses sont extrêmes, des villages considérables en sont réduits à faire des trajets de deux à trois lieues pour aller chercher de l’eau.
À Courson, à sept lieues du chef-lieu, des vieillards ont vu deux moulins sur le ruisseau d’une fontaine qui ne coule plus qu’en hiver, tous les bois circonvoisins ayant été défrichés.
Les belles fontaines de Druy, qui autrefois ravivaient constamment la rivière de l’Yonne, donnent à peine des eaux par trois bouches, sur onze qu’elles avaient il y a moins d’un siècle« .
Ce Préfet de l’Yonne n’est pas celui en charge de notre territoire aujourd’hui. Cette alerte sur l’impact de la déforestation sur le climat et ses conséquences gravissimes sur la sécheresse sévissant en Puisaye est rédigé par Monsieur Rougier de la Bergerie, alors préfet de l’Yonne qui adresse aux ministres un ‘mémoire sur les forêts’ dès 1803. Devenu député, il étend l’enquête auprès de toutes les préfectures françaises; chacune d’entre elle va dresser le relevé des déforestations et leurs impacts. Ces statistiques sont rassemblées dans l’ouvrage « Des Forêts de la France » publié en 1817.
Quelques années plus tard, le physicien Antoine César Becquerel reprend les travaux du Préfet Rougier de la Bergerie et les complète. Il publie Mémoire sur les forêts et leur influence climatérique dans lequel il démontre que la déforestation a des effets profonds sur le climat en raison de plusieurs mécanismes écologiques et physiques.
Becquerel conclut que la déforestation n’est pas seulement une perte de ressources naturelles, mais qu’elle modifie profondément le climat en augmentant les extrêmes thermiques, en réduisant les précipitations et en aggravant l’érosion. Il plaide ainsi pour des politiques de reboisement afin de restaurer les équilibres écologiques et climatiques.
C’était en 1867. Que d’années perdues.