Dans la définition officielle, technique et austère : « Une installation agrivoltaïque est une installation de production d’électricité utilisant l’énergie radiative du soleil et dont les modules sont situés sur une parcelle agricole où ils contribuent durablement à l’installation, au maintien ou au développement d’une production agricole ».
Les installations photovoltaïques sur bâtiments agricoles, tels que les hangars, n’en font pas partie, non plus que les installations de panneaux au sol, celles-ci étant réservées aux zones incultes, non cultivées ou non cultivables. Permettre la croissance végétale, la circulation des animaux, celle des machines agricoles, oblige à la surélévation des panneaux et à leur espacement.
L’agrivoltaïsme s’inscrit dans la continuité de la loi APER (Accélération de la Production d’Energie Renouvelable). Il est défini dans l’Article L.314-36 du code de l’énergie.
Dans l’esprit affiché de la loi il s’agit, tout en participant au développement des énergies renouvelables, de protéger la surface cultivable et sa production agricole, qui serait menacée par une prolifération des panneaux au sol. L’installation doit sinon améliorer le rendement du moins le maintenir ou freiner une décroissance déjà constatée.
Pour l’Ademe (Agence De l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie), auteure d’une étude en avril 2022, l’agrivoltaïsme doit contribuer à résoudre une problématique agricole. Il s’agit par exemple de protéger d’un ensoleillement excessif et limiter le stress hydrique par l’ombrage, de réduire les risques climatiques (grêle, gel),
ou d’améliorer le bien-être animal…
Mais il s’agit aussi de compléter le revenu généré par l’exploitation agricole avec les loyers payés par les opérateurs industriels qui installent et exploitent les panneaux. La part respective du propriétaire du sol et de l’exploitant n’a pas jusqu’ici été précisée mais un projet de loi est en préparation et devrait bientôt être présenté au Parlement.
L’aspect financier qui motive les agriculteurs intéresse aussi les collectivités locales et territoriales.
Le montant du loyer versé aux agriculteurs, contrat privé, n’est pas publique, mais il serait trois à quatre fois supérieur au revenu agricole de la même parcelle. En revanche le montant des impôts payés par la société exploitant le parc est connu. Il dépend de la production potentielle d’énergie, celle-ci étant exprimée en Mégawatt-crête (le MWc est l’énergie maximale produite par l’installation dans les conditions standards). La principale taxe, l’IFER (Imposition Forfaitaire des Entreprises de Réseaux) était en 2024 de 3 394 euros, par an, par Mégawatt crête. Le potentiel de production est variable selon les territoires, en Puisaye il est estimé à 0,8 MWc par hectare. Le montant est réparti entre le département (30%), l’intercommunalité (50%), et les communes d’implantation (20%).
Tous ces aspects positifs sont évidemment mis en avant par les opérateurs du secteur. Ils y ajoutent la création d’emploi ; l’argument a déjà été utilisé pour l’implantation d’éoliennes et n’a malheureusement pas été confirmé par les faits. Mais les conséquences négatives doivent également être considérées.
La hauteur des panneaux leur donne une visibilité dont l’impact environnemental peut être important d’autant que l’attractivité économique peut pousser à la multiplication des installations. Outre la pollution visuelle, le bruit des onduleurs, qui sont nécessaires à la transformation du courant continu en courant alternatif, peut constituer une pollution sonore. Comme pour les éoliennes, l’installation d’un champ photovoltaïque entraîne pour les propriétés voisines une dépréciation qui peut atteindre 30%. Le site d’implantation est donc fondamental de même que la taille de l’installation. A ce titre le projet Saint-Privé, Saint-Martin, Saint-Fargeau est exemplaire.
Porté par la société Valeco, fililale de l’allemande EnBW (EnBW Energie Baden-Württemberg AG), ce projet est considérable puisqu’il s’étend sur 400 hectares. Il est soutenu notamment par un propriétaire, Islandais résident suisse, prêt à concéder 100 hectares sur son domaine de 1000 hectares. Initialement une surface moins importante était envisagée et donc une production d’énergie moindre ; elle permettait un raccordement à la station électrique de Saint-Fargeau. Mais dans la nouvelle dimension du projet la production dépassera la capacité d’absorption de Saint-Fargeau et la station d’accueil compatible est celle de saint Loup des Bois dans la Nièvre, à 34 kilomètres. Les câbles doivent être enterrés et l’on imagine l’importance des travaux nécessaires pour leur enfouissement sur une telle distance.
Deux études d’impact environnemental et écologique ont été commandées par Valeco aux sociétés « NCA environnement » et « Envol environnement ».
Il est à noter que le projet est qualifié dans ces études de parc photovoltaïque au sol (document NCA de décembre 2024) ; tandis que les réunions d’information dans les communes concernées, organisées quelques semaines auparavant, présentaient un projet exclusivement agrivoltaïque, Valeco étant probablement déjà informé du résultat de l’étude.
La conclusion de la société NCA est la suivante :
«L’ensemble des éléments mis en évidence dans cette étude justifie un avis défavorable quant à la réalisation du projet, d’un point de vue paysager et patrimonial. Néanmoins, des préconisations ont été avancées afin de réduire la sensibilité globale du territoire d’étude. La réduction de la superficie totale de la ZIP*, par l’évitement des zones les plus exposées d’un point de vue visuel, ainsi que la conservation de l’ensemble de la trame bocagère représentent les principales préconisations, et permettrait une meilleure intégration du projet dans son environnement ». *Zone d’Implantation Projetée
On voit s’esquisser une méthode déjà utilisée pour d’autres parcs : annoncer un projet de très grande taille puis tenter d’apaiser les oppositions en réduisant secondairement cette taille, comme signe de bonne volonté et de respect de l’opinion locale. On voit aussi que la loi « agrivoltaïsme » d’avril 2024 est immédiatement apparue comme une aubaine aux opérateurs. Les réunions tenues dans les communes, animées par trois chargées de communication et un ingénieur de Valeco, ont mis en avant l’agrivoltaïsme et ses bienfaits, sans faire mention du projet initial au sol. Ces réunions d’abord non contradictoires le sont devenues sous la pression des opposants locaux.
A la question pourquoi ne pas utiliser en priorité des surfaces déjà artificialisées, comme les parkings, idée contenue dans la loi APER, la réponse est que ces projets sont plus complexes à monter. Mais l’on comprend que pour une société comme Valeco un projet de grande envergure est plus rentable que l’addition de petits projets, impliquant de nombreuses études et de nombreux intervenants.
D’aujourd’hui
à demain?